Souffle et respiration, qu'en est-il pour le Qi Gong ?

UNE COMPRÉHENSION DU SOUFFLE SOUVENT RÉDUITE À LA SIMPLE RESPIRATION PULMONAIRE

Nombre d’enseignants de Qi Gong parlent du souffle comme étant la respiration pulmonaire. Ils considèrent le souffle comme une façon d’inspirer et expirer de l’air en utilisant différentes techniques mais passent à côté du sens profond du terme « souffle » et de l’interprétation taoïste liée à la pratique du Qi Gong, à la philosophie du Yang Sheng et à la médecine traditionnelle chinoise. Cette fausse interprétation du souffle vient de sa définition étymologique qui prête à confusion. Ces enseignants n’ont pas été formés ou guidés suffisamment mais ils ont aussi un manque de pratique et de recherche pour l’avoir compris avec tous leurs sens et toute leur réceptivité. La pratique du Qi Gong passe par 3 dimensions de la vie humaine, nommées dans le jargon technique et traduites du chinois par « les 3 Trésors », qui sont : le corps, le souffle et l’esprit. Un mouvement de Qi Gong est réalisé au travers de ces 3 dimensions selon, le temps de pratique et la disponibilité du pratiquant. Ce qui l’amène à une conscience plus ou moins grande de soi en corps, en souffle et en esprit.

LE SOUFFLE DANS L’INTERPRÉTATION DU YANG SHENG QI GONG

Le souffle, à l’image de la respiration, représente la vitalité. Dans l’interprétation philosophique de la pratique de Qi Gong, cette vitalité passe par un état fluide et souple du corps. On la nomme QI. Dans ce contexte, cette vitalité est caractérisée par l’élément « Eau » qui s’intègre et s’adapte à toutes formes qu’on lui donne. Mais on ne peut pas la saisir ni la maitriser facilement puisque cette matière est aussi la vie. Cette vie ne dépend pas que de nous-mêmes, mais aussi du ciel et d’une partie non visible immaitrisable.

ET EN PRATIQUE, LE SOUFFLE ?

Cette partie non visible du corps mais qui l’anime avec une impression de souplesse, de circulation, d’harmonie, de fluidité, de vacuité, se nomme « souffle ». Dans la pratique du Qi Gong, ce souffle, sur le plan corporel, est lié à l’élasticité des chaînes musculaires mais aussi à l’espace que l’on donne en dedans et en dehors du mouvement. En effet, toutes les parties du corps sont liées et interagissent entre elles par un mouvement ondulatoire qui donne au corps une capacité à s’ouvrir, s’élargir, grandir, se déployer, mais aussi se déposer, descendre, se centrer, diminuer. A l’image d’un arbre bercé par le vent ou d’une anémone des mers balancée par les courants, le corps, constitué d’eau à 65%, peut prendre différentes formes quand il est en santé et qu’aucun blocage ne l’en empêche.

L’ESPRIT DE MAÎTRISE, LES PEURS ET LES TENSIONS PHYSIQUES GÊNENT L’EXPRESSION DU SOUFFLE

Avant d’être observés et vécus sur le plan physique par les différentes tensions que l’on ressent ou sur le plan plus profond des maladies qui touchent les tissus, les fascias et les organes, les blocages sont des contraintes imposées par notre mental qui tente de maitriser des situations par peurs ou angoisses conscientes ou non conscientes. Ces défenses d’ordre psychosomatiques bloquent et mettent sous tensions certaines parties du corps et génèrent des stagnations qui sont les conséquences de notre incapacité à accepter, intégrer ou transformer les situations de la vie. C’est donc notre état d’esprit lié à notre capacité à faire du lien, à s’ouvrir, à aimer, qui influence notre corps mais aussi notre entourage. Cet état d’esprit disponible permet de réaliser un mouvement de Qi Gong plus grand, plus harmonieux et plus vécu. C’est une définition du souffle sur le plan du corps et de l’esprit. Avec ces va-et-vient permanents des mouvements de Qi Gong, tous les tissus du corps peuvent respirer, ce qui permet d’installer une véritable vitalité dans l’organisme. Le souffle harmonieux empêche les stagnations et les tensions de s’installer et éloigne les maladies.

ENSEIGNER LA RESPIRATION EN QI GONG

Dans les premières années de pratique, un enseignant de Qi Gong ne peut pas se permettre de parler de respiration à un élève tant que son corps n’est pas suffisamment en capacité de trouver sa place et son espace afin d’assouplir les chaines musculaires et les tendons de son corps et ainsi accueillir la respiration pulmonaire. Par ailleurs, dire à quelqu’un de respirer en synchronisant un mouvement est impossible s’il n’a pas un corps complètement disponible. Ainsi, on peut faire changer de forme un ballon de baudruche en soufflant dedans, mais on ne peut pas modifier un contenant solide à l’image d’un corps rigide et tendu. De plus, donner une consigne à un débutant qui n’a pas l’esprit suffisamment distancé sur sa pratique de Qi Gong pour inspirer/expirer n’amènera que plus de tensions et de blocages aux mouvements car le raisonnement et l’analyse d’un mouvement bloquent sa vitalité naturelle. Etre enseignant de Qi Gong, c’est encore être élève en quête de recherche et chaque étape du développement est un nouveau souffle qui demande intégration par une disponibilité et une ouverture d’esprit sans cesse mises à l’épreuve.

Romain Bussi, le 05 février 2016